Les coûts cachés d’une technologie bon marché

En 2020, l'initiative Clean Network a été lancée par le gouvernement américain face aux inquiétudes grandissantes concernant la sécurité de la technologie chinoise. 

Visant les "menaces à long terme pour la confidentialité des données, la sécurité et la collaboration de confiance posées par des acteurs étatiques malveillants", cette législation a été conçue sur la base que la loi chinoise sur le renseignement national pourrait contraindre des sociétés telles que Huawei, ZTE et d'autres fournisseurs chinois de matériel de télécommunications opérant "au niveau national et à l'international" à remettre des informations ou des données sur demande du gouvernement chinois.

Bien que Huawei ait répondu que ni les cabinets d'avocats indépendants ni le gouvernement chinois ne les obligent à céder de telles informations, le département d'État américain a soutenu que l'existence de telles lois pourrait transformer Huawei et des fournisseurs similaires en "un bras de l'État de surveillance de la République populaire de Chine (RPC)".

Gagner du terrain à l’échelle mondiale

La politique controversée a été dévoilée en pleine escalade de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, ce qui a naturellement suscité des doutes sur les véritables intentions de cette initiative. Néanmoins, le Clean Network, visant à mettre en évidence la nécessité de sécuriser l'intégralité de l'écosystème des technologies de l'information 5G, y compris les extensions et les accessoires, a rapidement reçu le soutien de gouvernements démocratiques et d'opérateurs de télécommunications à travers le monde.

D'ici décembre 2020, plus de 60 pays, représentant deux tiers du PIB mondial, et 180 entreprises de télécommunications avaient publiquement promis de suivre les principes du Clean Network. Parmi eux figurent des nations comme le Royaume-Uni, la Grèce, Singapour, l'Australie, et Taïwan, ainsi que des opérateurs tels qu'Orange en France, Telefonica en Espagne, et TDC au Danemark.

Le commissaire européen Thierry Breton a même affirmé que l'exclusion des fournisseurs chinois de télécommunications considérés comme « à haut risque », Huawei et ZTE, de la construction du réseau 5G de l'UE était « justifiée » et en accord avec les directives européennes.

Coûts cachés

Les préoccupations relatives à la technologie chinoise sont-elles fondées ou le résultat de la paranoïa et de l'alarmisme ? Indépendamment des motivations, les implications commerciales sont claires.

Les responsables informatiques doivent choisir des technologies qui appuient les initiatives de transformation numérique de leur entreprise, surtout avec une main-d'œuvre qui reste hybride et flexible. Cependant, avec des budgets de plus en plus restreints dans un contexte économique difficile, la mise en œuvre de ces initiatives doit être aussi rigoureuse et rentable que possible.

Historiquement, la technologie produite en Chine a été avantageuse en termes de coût et disponible en grande quantité, ce qui en fait un choix logique pour les entreprises et les gouvernements. Néanmoins, ces organisations réalisent qu'il peut y avoir des coûts cachés associés à ces économies à court terme.

L'équipement de surveillance de Hikvision, partiellement détenu par le gouvernement chinois, est le dernier en date des fabricants de technologie chinois à être banni par les gouvernements américain et britannique, en raison de la découverte de failles de sécurité significatives et de préoccupations éthiques liées à l'entreprise.

Les inquiétudes liées à la sécurité, l'augmentation des coûts de main-d'œuvre, la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, ainsi que les questions plus générales sur la stabilité politique et économique chinoise incitent les entreprises à transférer leur production vers d'autres marchés tels que l'Inde, le Mexique et le Vietnam. Cette tendance menace la position historique de la Chine en tant qu'"usine du monde". Ces alternatives compétitives offrent aux entreprises la possibilité de diversifier progressivement leur production et de conserver des coûts réduits.

Avec la diminution des avantages liés aux coûts, un nombre croissant d'entreprises, notamment celles qui traitent fréquemment des données sensibles, pourraient emboîter le pas aux gouvernements du monde entier et aborder avec prudence les technologies chinoises, qu'elles soient nouvelles ou déjà établies.

La voie à suivre

Au début de 2020, Huawei et ZTE paraissaient en passe de devenir les leaders mondiaux de la technologie 5G. Cependant, en l'espace de quelques années, Huawei a été écarté des projets 5G, ce qui a profondément transformé le paysage de la concurrence. Actuellement, l'application de restrictions et même d'interdictions totales sur l'utilisation de technologies chinoises bien établies se poursuit.

Bien que l'initiative Clean Network ait été en grande partie abandonnée, l'impact de cette législation demeure significatif. Les gouvernements du monde entier continuent de douter de l'autonomie des entreprises chinoises opérant sur leurs territoires. ByteDance et son application TikTok en sont un exemple récent. Plusieurs pays et institutions gouvernementales, y compris le Parlement britannique, l'Australie, le Canada, l'exécutif de l'Union européenne, la France et le Parlement de Nouvelle-Zélande, ont interdit TikTok sur les appareils gouvernementaux, tandis que l'Inde a complètement banni son utilisation par les citoyens en 2020.

Cela ne signifie pas pour autant que la technologie chinoise doive être systématiquement évitée. Les innovations, la créativité et les avancées technologiques chinoises doivent être reconnues et valorisées. Néanmoins, il serait prudent pour les dirigeants d'entreprises, en particulier ceux qui gèrent régulièrement des données sensibles, de rester conscients des préoccupations persistantes à cet égard.